Le service Instrumentation prend en charge l’étude technique et la réalisation d’instruments scientifiques ou de détecteurs de particules proposés par les groupes scientifiques de l’IP2I. Son équipe pluridisciplinaire lui permet de prendre en compte les contraintes liées aux différents domaines de l’ingénierie, et d’interagir le cas échéant avec les services de l’Institut spécialisés dans ces disciplines : la mécanique, l’électronique, l’informatique, l’acquisition de données, la cryogénie, etc.
Le cycle de vie d’un projet commence par une discussion avec les responsables scientifiques concernés pour identifier les besoins, évaluer sa faisabilité, et aboutir à un cahier des charges. Viennent ensuite les étapes d’études préliminaires, de recherche de contacts auprès des industriels si nécessaire, puis de validation de la solution retenue avec les responsables scientifiques.
L’étape suivante est la fabrication d’un prototype et des bancs de tests nécessaires à sa validation. Il faut parfois plusieurs itérations avant d’aboutir à la solution définitive. Celle-ci est souvent un compromis entre la faisabilité technique et financière, et les contraintes scientifiques. Enfin, le prototype est produit en série et intégré sur le site de l’expérience.
Les projets sont réalisés dans le cadre de l’assurance qualité mise en place dans l’Institut. Les documents de suivi du projet, les procédures de fabrication et de contrôle établis à toutes les étapes du cycle, permettent au service Instrumentation de transférer efficacement la production en série à l’industrie ou aux services spécialisés.
Le service Instrumentation participe au développement de plusieurs instruments scientifiques pour différentes équipes de recherche de l’IP2I. Les instruments réalisés sont destinés à des expériences ou des collaborations scientifiques dans des domaines variés, comme la physique des particules, l’astrophysique, la physique nucléaire, les interactions particule-matière, et dont les applications peuvent aller au-delà du domaine de la physique : ainsi, certains instruments trouvent une application dans les domaines de la biologie, de la géologie ou de la médecine.
Le service Instrumentation participe aux projets suivants :
CMS-TEDD
Pour les travaux de mise à niveau (“upgrade”) de l’expérience CMS (CERN, LHC) le service s’est investi depuis 2008 dans un projet de R&D de conception des nouveaux bouchons (“endcaps”) du trajectographe. Nous avons proposé un système de “Dees” (demi−roues) en sandwich composite, sur lesquelles les modules détecteurs en silicium seront montés directement. Ces modules seront refroidis par de fins tuyaux intégrés à l’intérieur des Dees, et alimentés par un système de refroidissement à CO2 biphasé. Chacun des deux bouchons du nouveau trajectographe sera constitué d’un total de 20 Dees. Cette proposition a été acceptée par la collaboration CMS et publiée dans le Technical Design Report de l’expérience en 2017.
Vue des 5 double-disques d’un TEDD entier, avec leurs circuits de refroidissement et détecteurs en silicium (jaune) – © N. Lumb
Le service a conçu et mis en œuvre un banc de test à CO2 biphasé, sur lequel nous avons testé la performance des secteurs de refroidissement et leurs contacts thermiques. À partir de 2016 le service a conçu et lancé la réalisation d’une série de prototypes en collaboration avec notre bureau d’études et des entreprises locales spécialisées. Étant fabriqués en fibre de carbone, ces prototypes sont mécaniquement très proches du concept final.
Notre activité va passer bientôt en phase de pré-production suivi par la production de 24 des 40 Dees qui seront installés dans CMS. Le service sera également impliqué dans l’intégration des détecteurs silicium sur les Dees, ainsi que dans le test des Dees équipés. Pour cette activité une salle blanche dédiée, financée par le Labex LIO (Labex Institut des Origines), a été construite.
Le service présente régulièrement le planning et les résultats de ses travaux aux réunions CMS au CERN, ainsi qu’aux conférences internationales.
EDELWEISS / Ricochet
Cryostat à dilution He3/H4 du laboratoire cryogénie de l’IP2I, financé par le Labex LIO – © A. Juillard
Le Service Instrumentation travaille en étroite collaboration avec les physiciens du groupe MANOIR sur les projets EDELWEISS et Ricochet.
L’expérience EDELWEISS est installée au Laboratoire Souterrain de Modane (LSM). Son objectif est de détecter la Matière Noire présente dans la galaxie. Ricochet est une expérience naissante qui vise à détecter des signes de nouvelle physique par l’étude de la diffusion cohérente et élastique des neutrinos sur les noyaux atomiques. Pour ces deux axes de recherche, des travaux de R&D sont menées à l’IP2I sur des détecteurs cryogéniques ionisation-chaleur.
Le service apporte ses compétences en cryogénie, en instrumentation, en électronique basse température ultra bas bruit et particulièrement dans le design et l’intégration mécanique-électronique-câblage. Le service a la charge de la coordination technique du projet Ricochet qui devrait s’installer à l’Institut Laue Langevin (ILL)(réacteur de recherche de 58 MW) à Grenoble fin 2022.
BIOCAM
BIOCAM est un dispositif que nous avons conçu pour l’expérience DEEPBLUE qui est un système déporté dédié à l’observation de micro-organismes marins vivant dans les grands fonds méditerranéens, à près de 2500 m de profondeur, et notamment leurs caractéristiques de bioluminescence.
DEEPBLUE est constitué de deux imageurs bas niveau de lumière (couleur et N&B), intelligents, programmables et interconnectés, et fournissant une illumination multi-spectrale. Il embarquera deux capteurs photoniques stéréoscopiques contrôlés par un système de traitement embarqué et qui permettront d’avoir une information sur la distance et la taille des spécimens observés dans des conditions extrêmes. L’un des capteurs, un CMOS ultra-sensible Noir et Blanc permettra de déclencher une séquence d’observation de bioluminescence à des seuils de quelques dizaines de photons. Le deuxième capteur Kameleon (Photonis SA) produira des images couleurs et alimentera une base de données d’imagerie de bioluminescence multi-échelles dans les dimensions spectrales, temporelles et spatiales de la bioluminescence marine.
Conception caméra étanche pour l’expérience BIOCAM – © D. Chaize
Le service instrumentation a pris en charge le choix des matériaux, à l’aide d’outils de simulation mécanique de pression. Le titane a été choisi pour les tubes et les flasques et le saphir, très résistant, pour les verres des caméras. Testées à l’IFREMER, celles-ci peuvent ainsi supporter l’énorme pression environnante de 250 bars, soit 250kg par cm2. Une phase de tests à l’IFREMER en caisson hyperbare à 310 bar a permis de valider ces tubes. Les caméras sont reliées à un lien Ethernet 100Mb et à une alimentation 300V DC provenant d’une BJS dans les fonds sous-marins, qui alimente aussi d’autres expériences. Avec les logiciels Solidworks, CircuitWorks et EAGLE, le service a conçu la tête capteur et son optique, les structures mécaniques en cuivre, aluminium et ABS (imprimante 3D), les kapton flex-rigide. Il a intégré toutes les cartes électroniques acquisition image (PC et Altera) et fabriqué les parties câblages, distribution alimentations, slow control, etc… Dans cet environnement confiné à l’intérieur des tubes, les contraintes d’évacuation thermique ont aussi été prises en compte. Toutes les possibilités de commande à distance de l’instrument afin de fonctionner en continue et sans maintenance sont ont été prises en compte. Les phases d’assemblage et de tests optiques ont été réalisés à l’IP2I, les phases de tests sur la structure finale et en bassin seront réalisées à la division technique de l’INSU de la Seyne s/mer.
PICMIC
PICMIC est un nouveau concept qui essaie d’exploiter à la fois les résolutions temporelles et spatiales intrinsèques des galets à micro-canaux (MPC – Microchanel Plate), avec lesquels, jusqu’ici, seules les résolutions temporelles sont bien exploitées.
Enceinte à vide pour le test des MCP – © D. Chaize
Le concept doit s’appliquer à un nouveau détecteur appelé galet à nano-canaux en développement en collaboration avec le laboratoire d’Ingénierie des Matériaux Polymères (IMP, INSA-Lyon) pour atteindre à la fois des résolutions temporelles de quelques picosecondes et des résolutions spatiales de l’ordre du micron. Nous proposons d’améliorer la résolution spatiale en utilisant un véritable schéma qui a été développé pour les RPC (Resistive Plate Chamber) et utilisé avec succès. Le nouveau schéma permet d’exploiter la granularité naturelle du MCP avec un nombre limité de canaux électroniques. Le principe est simple : la charge est partagée entre plusieurs pixels. Les pixels sont interconnectés d’une manière intelligente afin que l’on puisse identifier la position de l’impact d’une particule.
Le service instrumentation a pris en charge la conception de cet ensemble pour des tests préliminaires. Les deux galets MCP sont espacés entre eux et deux tensions distinctes leur sont appliquées, le tout dans une petite enceinte à vide conçue spécialement. Les informations sont récoltées via deux capacités et un collecteur (anode). L’enceinte conçue est en inox, étanche et dispose d’une structure isolante en matière plastique POM permettant de maintenir l’empilement des différents circuits imprimés. Par l’intermédiaire de ces circuits imprimés, chaque galet reçoit un différentiel de tension de l’ordre de 800 à 1000V via un pont diviseur. Deux signaux, bas niveaux et adaptés en impédance, sont ainsi récoltés par le biais de condensateurs ; l’étage de la première MCP puis le second. Enfin le dernier signal se fait via une collecte (anode).
BAMBI
Dispositif expérimental BAMBI en cours de développement – © F. Charlieux
Le service est impliqué dans le développement technique du projet ANR BAMBI (Beta particle Attachment to Molecules of Biological Interest), qui vise à étudier l’interaction des électrons avec des molécules pré-excitées dans des états vibrationnels ou électroniques. Nous contribuons à la construction du nouveau dispositif expérimental. Tout particulièrement, nous avons réalisé l’étude du dispositif de spectrométrie par temps de vol (TOF) qui permettra de détecter les fragments de ces molécules par collision avec des électrons. Par ailleurs, le service développe intégralement le système de pilotage/contrôle-commande du set-up en langage graphique LabView, ainsi que le système d’acquisition pour l’analyse en temps réel qui sera par la suite intégré dans le système d’acquisition général.
Euclid
Le projet Euclid est un satellite de cosmologie observationnelle multisonde sélectionné par l’Agence Spatiale Européenne en 2012 pour un lancement maintenant prévu en 2022. Il s’agit d’un des projets majeurs de la communauté cosmologique européenne aujourd’hui qui a été conçu dans l’objectif de cerner la nature de l’énergie noire et de la matière noire.
Pour accomplir sa mission de sondage, le télescope de 1,2 m est équipé de deux instruments panoramiques, VIS – un imageur optique – et NISP – à la fois un imageur et un spectrographe sans fente travaillant dans le domaine infrarouge.
La compréhension fine de la réponse des détecteurs IR est une des spécialités de l’IP2I depuis les travaux initiaux dans le cadre de SNAP/JDEM. Dans le cadre d’Euclid, l’IP2I apporte son expertise des détecteurs dans l’étalonnage des détecteurs (minimisation des bruits des modes communs, développement du modèle prédictif de la distribution fréquentielle des bruits, optimisation des méthodes d’extraction du signal) ainsi que dans la modélisation des effets fins de rémanence au niveau pixel. L’IP2I participe aussi au développement des algorithmes de correction des effets fins de non-linéarité et rémanence des images qui s’inséreront dans la calibration et la réduction des données de la voie infrarouge du télescope Euclid.
DIAM
Vue 3D des éléments d’optique ionique calculés pour le nouveau détecteur à mesure de temps de vol – © P.Calabria
Instrument principal de l’équipe Nanogouttes en conditions extrêmes (Interaction Particules-Matière), le Dispositif d’Irradiation d’Agrégats Moléculaires (DIAM) est conçu pour l’étude des mécanismes de dissociation de nano-systèmes moléculaires induits par irradiation. La première phase d’exploitation de DIAM s’est appuyée sur l’utilisation combinée de faisceaux d’agrégats moléculaires protonés et d’un dispositif original de temps de vol coïncidant, couplant analyse par temps de vol, imagerie et détection corrélée de fragments (COINToF-VMI).
Dans le cadre d’une nouvelle phase de développement instrumental, en collaboration avec l’équipe de recherche responsable de DIAM, le service Instrumentation participe aux développement de sous-ensembles d’optique ionique. Nous intervenons notamment dans les étapes de modélisation et de caractérisation des éléments en vue de leur intégration dans le dispositif. Nous concevons les éléments mécaniques à l’aide de logiciels de CAO mécanique (CATIA, Freecad) et de simulation ionique (SIMION).
Nos domaines d’expertise sont les suivants :
- Conception et réalisation des ensembles mécaniques complexes (CATIA/SolidWorks)
- Conception et fabrication des systèmes électroniques (Eagle/LTspice)
- Expertise avec les systèmes SCADA (National Instruments/Labview)
- Exploitation et développement des cryostats de très basse température
- Développement des systèmes de refroidissement à CO2 liquide
- Expertise dans le déploiement des systèmes électroniques dans les environnements hostiles, notamment en mer jusqu’à 2500m de profondeur
- Réalisation des pièces par imprimante 3D