La physique des particules – étude des constituants élémentaires de la matière – est une des activités principales de l’IP2I.

À l’échelle subatomique, la matière est constituée de particules élémentaires comme l’électron ou les quarks. Ces particules interagissent par l’intermédiaire d’autres particules nommées bosons, qui portent les forces fondamentales (électromagnétisme, interaction faible et forte). Certaines pourront se lier entre elles pour donner naissance à des particules plus complexes (les protons, les neutrons, qui font partie de la famille des hadrons), puis aux noyaux atomiques et enfin aux atomes.

 

Les outils principaux de l’étude des particules élémentaires sont les accélérateurs/collisionneurs comme le LHC. Leur énergie de plus en plus grande permet d’accéder à des particules de plus en plus massives, et l’augmentation de leur intensité permet d’explorer des effets extrêmement rares les mettant en jeu. De plus, les détecteurs qui les équipent permettent des mesures de plus en plus fines de tous les paramètres de la physique des particules.

 

 

L’IP2I participe depuis le début à l’aventure du LHC au CERN. L’IP2I a contribué à la conception et la réalisation de plusieurs des détecteurs actuels de l’expérience CMS (calorimètre et trajectomètre). Après la découverte du boson de Higgs, qui fut un immense succès en 2012, CMS continue de travailler sur l’analyse des données collectées, avec des tests du modèle standard de la physique des particules, et cherche à découvrir des particules inconnues (ce qui est appelé « nouvelle physique »). L’équipe prépare de plus la jouvence du trajectomètre et de détecteurs à muons pour la phase haute luminosité du LHC qui démarrera en 2029.

Il faut de plus penser à l’avenir, et préparer les prochaines générations de détecteurs (ce type de projets dure plusieurs dizaines d’années). L’IP2I est impliqué dans les projets de collisionneurs leptoniques où il joue un rôle de leadership dans le domaine de la calorimétrie. Il participe aussi à la préparation du collisionneur leptonique circulaire FCC-ee en proposant des idées originales sur la trajectométrie.

Enfin, le groupe AEGIS, toujours en partenariat avec le CERN, mène une expérience pour tester si le comportement gravitationnel de l’antimatière s’avère identique à celui de la matière, en effectuant la mesure directe de l’accélération de l’antihydrogène due à la gravitation terrestre.

Le groupe CMS a contribué  à la conception et à la réalisation de plusieurs sous-détecteurs  de l’expérience CMS.  Il travaille aussi sur l’analyse des données collectées et a eu un rôle dans  la découverte d’un boson de Higgs, qui fut un immense succès.

Thématiques d’analyse

En 2024, le groupe CMS de l’IP2I  a finalisé quatre analyses portant sur les 138fb-1 de données collectées lors des collisions à √s = 13 TeV du Run 2 du LHC entre 2016 et 2018. Leurs résultats ont donné lieu à quatre articles soumis pour publication par la collaboration CMS.

  • Search for a new resonance decaying into two spin-0 bosons in a final state with two photons and two bottom quarks in proton-proton collisions at √s = 13 TeV, JHEP 05 (2024) 316 et  Searches for Higgs boson production through decays of heavy resonances, arXiv:2403.16926, soumis à Physics Report (contact Maxime Gouzevich et Elise Jourd’huy)

Le potentiel de Brout-Englert-Higgs plus connu sous le nom du « chapeau Mexicain » reste un des domaines encore peu connus du modèle standard. Sa forme exacte et sa symétrie n’ont jamais été mesurées directement, mais postulée comme la plus simple possible pouvant donner une brisure de symétrie spontanée. Ce phénomène connu sous le nom de mécanisme de Higgs a été découvert au CERN en 2012 avec le boson de Higgs.

La « forme du chapeau » peut-être bien plus complexe que ce qui a été imaginé et dépend de la présence d’autres bosons de Higgs (X et Y ) dans notre Univers. Elle ne peut être mesurée directement qu’en mesurant l’auto-couplage de H* →  HH, ou le couplage de X→  HY. Le groupe CMS de l’IP2I mène depuis 10 ans une recherche poussée de ce phénomène et a récemment été à l’origine de deux publications basées sur les données collectées entre 2016 et 2018 par l’expérience CMS au LHC. Dans le 1er article, des contraintes fortes ont été mises sur l’existence de X et Y et sur les théories associées. Le second article est une revue majeure qui présente toutes les mesures de CMS dans le domaine depuis 2012.

L’importance de cette mesure est capitale pour comprendre comment la masse des particules élémentaires est apparue durant les premières fractions de seconde après le Big Bang. La transition de phase électrofaible, si elle a été aussi violente que l’eau en ébullition, a aussi  pu générer l’asymétrie matière – antimatière. Un écho du choc entre ces bulles pourrait être audible dans les détecteurs d’ondes gravitationnelles du futur.

  • Search for a standard model-like Higgs boson in the mass range between 70 and 110 GeV in the diphoton final state in proton-proton collisions at √s=13 TeV arXiv:2405.18149, soumis à Physics Letters B. (Contact Suzanne Gascon-Shotkin)

CMS a récemment finalisé la recherche d’un boson de Higgs dans la gamme de masse 70-110 GeV, en exploitant le canal de désintégration en deux photons (γ).

Les distributions de masse des di-photons, séparées en différentes catégories par un analyse multivariée, ont été ajustées avec un modèle d’ajustement ajoutant un signal hypothétique (« résonance ») aux processus attendus (« bruit de fond »). L’ajustement a été refait plusieurs fois, en déplaçant à chaque fois la position de la résonance par pas de 0,1 GeV. L’absence de pic visible donne une mesure de la valeur la plus élevée (« limite supérieure ») que la section efficace de production d’une nouvelle résonance, multipliée par sa fraction d’embranchement de désintégration en deux photons, peut avoir : des valeurs plus élevées auraient laissé une signature visible dans nos données. Nous constatons que la distribution expérimentale est plus élevée qu’attendu en l’absence de signal dans la région de masse autour de 95,4 GeV, ce qui est une indication intéressante qu’un signal au-delà du Modèle Standard pourrait être présent dans nos échantillons d’événements. L’excès observé aux alentours de 95,4 GeV a une signification locale très proche du seuil de 3 écarts-types traditionnellement utilisé pour affirmer qu’il s’agit d’une « preuve » d’un nouveau signal. En d’autres termes, la probabilité que cet excès soit causé par une fluctuation statistique du bruit de fond est inférieure à 1 %. Si nous tenons compte du fait que nous aurions pu observer un excès aléatoire n’importe où dans la gamme des masses recherchées, nous obtenons une « signification globale » de 1,3 écart-type. L’équipe est impatiente de voir des résultats analogues dans d’autres expériences et dans les échantillons de données beaucoup plus importants qui seront accumulés lors du Run 3.

  • Searches for violation of Lorentz invariance in tt¯production using dilepton events in proton-proton collisions at  √ s = 13 TeV, https://arxiv.org/abs/2405.14757 (contact Nicolas Chanon)

La symétrie de Lorentz est au cœur de la relativité restreinte d’Einstein qui sert de base au Modèle Standard de la physique des particules. Toutefois, certaines théories (par exemple la théorie des cordes) prédisent qu’à une énergie très élevée la relativité restreinte ne fonctionnera plus. Une trace de la brisure de symétrie de Lorentz pourrait être observable à de plus basses énergies, comme au LHC. L’équipe CMS de l’IP2I a été initiatrice d’une nouvelle recherche de la brisure de Lorentz au LHC avec une paire de quarks tops. Les quarks tops sont les particules élémentaires les plus massives jamais observées, pour lesquelles de nombreuses théories prédisent des phénomènes s’écartant du Modèle Standard. La signature recherchée est la variation du taux de paires de top produites au LHC en fonction du temps. Trouver un écart par rapport à un taux constant reviendrait à mettre en évidence une anisotropie (ou direction préférentielle) dans l’espace-temps. Jusqu’ici les résultats des mesures sont accord avec un taux constant, mais les résultats montrent une amélioration d’un facteur jusqu’à 100 en précision par rapport à la précédente mesure au Tevatron (Chicago) en 2012.

Les équipes d’analyse s’attaquent désormais aux données du Run 3 à √s = 13,6 TeV afin de répondre aux questions laissées en suspens après le Run 2.

CMS continue d’étudier le modèle standard de la physique des particules, et cherche à découvrir des particules ou des phénomènes inconnues, ce que l’on appelle la « nouvelle physique », à travers des interactions impliquant des quarks top,  et/ou des bosons de Higgs.

Préparation de la phase à haute luminosité du LHC

Il faut de plus penser à l’avenir, et le groupe est impliqué dans le renouvellement des détecteurs en vue d’une prochaine phase d’opération du LHC et du CMS destinée à multiplier la quantité de données par 10.

L’IP2I  se prépare, dans une salle blanche dédiée,  à devenir un centre d’assemblage des modules en silicium sur les structures en D qui formeront les bouchons du futur trajectographe.

L’équipe a pour objectif le développement d’un calorimètre hadronique à grande granularité pour équiper les futurs accélérateurs leptoniques.  Le calorimètre proposé pour le FLC est intitulé Semi-Digital Hadronic CALorimeter (SDHCAL). Il utilise des détecteurs gazeux de type RPC (resistive plate chamber) comme milieu actif, lus par une électronique intégrée avec une granularité de 1cm2. Les RPC sont insérés dans une structure mécanique compacte qui joue le rôle de l’absorbeur.

Ce type de calorimètres sert à mesurer l’énergie des hadrons produits lors des collisions dans les accélérateurs de particules : en atteignant le calorimètre hadronique, ils vont y déposer leur énergie en créant une gerbe de particules (appelé jet) dont la forme et la taille permettent de l’identifier et de mesurer son énergie. La forte granularité du détecteur est donc primordiale pour augmenter ses performances.

L’équipe avec ses partenaires, a construit le premier prototype de cette nouvelle génération de calorimètres, ainsi que l’électronique associée, et a conçu des algorithmes de type Particle Flow Algorithms (PFA) dans le but d’améliorer la reconstruction des jets issus des interactions et d’en mesurer précisément leur énergie. Plusieurs tests au CERN ont démontré la grande puissance du SDHCAL.

L’équipe a contribué à la réalisation du détecteur TOMUVOL pour la tomographie des volcans. Il a développé un nouveau schéma de lecture de grands détecteurs avec un nombre réduit de canaux électronique tout en maintenant une grande granularité.

 

Prototype SDHCAL

Activités

  • Organisation de plusieurs tests sur faisceau du prototype SDHCAL au CERN (2015,16, 17 et 18) et l’exploitation des données pour l’étude des gerbes hadroniques
  • Développement de la simulation complète du prototype SDHCAL ainsi que du SDHCAL dans ILD et CEPC
  • Conception, construction et exploitation du détecteur TOMUVOL avec le LPC
  • Conception et réalisation des détecteurs RPC de grande taille (2 m2) et une nouvelle électronique de lecture pour le module0 de SDHCAL pour le projet ILD/ILC
  • Participation à la rédaction du DBD de ILD-ILC et au CDR du projet CEPC
  • Conception et réalisation des grandes cartes de lecture pour des  chambres RPC pour le projet de l’upgrade des CMS muon en utilisant le timing.
  • Conception d’un nouveau système d’acquisition ZDAQ
  • Conception d’une nouvelle carte de lecture des détecteurs à gaz (PCT/EP2018/053561-FR3062926)
  • Développement d’algorithmes PFA (ArborPFA/APRIL)
  • Développement d’un nouveau matériau pour les détecteurs RPC permettant d’augmenter leur taux de détection d’un facteur 1000.
  • Conception et réalisation d’un système de détection pour la sécurité du territoire pour l’entreprise Smiths Detection basé sur le brevet. Financement par PULSALYS
  • Co-organisation des conférences CHEF sur la calorimétrie.

Interaction d’un pion (gauche) et d’un électron (droite) dans le SDHCAL

Mesure de l’énergie des faisceau de hadron au CERN ( gauche : linéarité, droite : résolution)

 

Knit Pads for Reading Gas Detectors (PCT/EP2018/053561-EN3062926)

L’équipe AEgIS (Antihydrogen Experiment : Gravity, Interferometry, Spectroscopy) de l’IP2I travaille sur l’expérience du même nom réalisée au CERN. L’objectif est d’effectuer la première mesure directe des effets de la gravitation sur l’antimatière en observant la chute d’atomes d’antihydrogène.

Les chercheurs utilisent des antiprotons pour produire un faisceau d’atomes d’antihydrogène qui est envoyé dans un dispositif appelé déflectomètre de moiré. Associé à un détecteur de position, ce dernier leur permet de mesurer avec une précision de 1% l’ampleur de l’interaction gravitationnelle entre la matière (la Terre) et l’antimatière (les antihydrogènes).

Le déflectomètre est doté d’un système de grilles qui divise le faisceau d’antihydrogène en faisceaux parallèles, créant ainsi une structure périodique dont l’analyse permet de déterminer la déflexion du faisceau d’antihydrogène au cours de son vol horizontal. En combinant cette mesure avec le temps de vol, nous pouvons peut alors mesurer la force gravitationnelle qui s’exerce sur les atomes d’antihydrogène.

La collaboration AEgIS rassemble des physiciens de toute l’Europe et doit relever de nombreux défis techniques tels que l’utilisation de très basses températures (0,1° K), d’ultravide (10-11 mbar), de champs magnétiques élevés (1 et 5 T), de lasers Lyman α pour caractériser les jets d’antihydrogènes, la production de positronium excités, d’antiprotons, etc…

Notre équipe a construit le faisceau d’ion hydrogène utilisés pour caractériser les réseaux de moirés du déflectomètre.


9075 documents

  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Search for dark matter produced in association with a pair of bottom quarks in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04685696⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Measurement of the Drell--Yan forward-backward asymmetry and of the effective leptonic weak mixing angle in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04679255⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Measurement of the inclusive cross sections for W and Z boson production in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 5.02 and 13 TeV. 2024. ⟨hal-04669780⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Search for bottom quark associated production of the standard model Higgs boson in final states with leptons in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04667851⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Test of lepton flavor universality in semileptonic B^+_\text{c} meson decays in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04666712⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Model-independent search for pair production of new bosons decaying into muons in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04666187⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Multiplicity dependence of charm baryon and baryon meson production in pPb collisions at \sqrt{s_\mathrm{NN}} = 8.16 TeV. 2024. ⟨hal-04660015⟩
  • W Adam, T Bergauer, K Damanakis, M Dragicevic, R Frühwirth, et al.. Measurement of the fractional radiation length of a pixel module for the CMS Phase-2 upgrade via the multiple scattering of positrons. 2024. ⟨hal-04660036⟩
  • Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, Suman Chatterjee, et al.. Search for resonant pair production of Higgs bosons in the \mathrm{b\bar{b}b\bar{b}} final state using large-area jets in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04660020⟩
  • Aram Hayrapetyan, Armen Tumasyan, Wolfgang Adam, Janik Walter Andrejkovic, Thomas Bergauer, et al.. Constraints on the Higgs boson self-coupling from the combination of single and double Higgs boson production in proton-proton collisions at \sqrt{s} = 13 TeV. 2024. ⟨hal-04660016⟩