Dans le cadre de la structuration d’une filière régionale pour le développement de grands cristaux en saphir pour les domaines des expériences de physique extrêmes ou bien de la défense, Le LMA (plateforme nationale de l’IP2I), et le service mécanique de l’IP2I ont uni leurs forces pour progresser sur le polissage optique de ces cristaux d’exception.

Avec ses propriétés physiques hors norme, le saphir, cristal d’oxyde d’aluminium, est l’un des matériaux pour l’optique les plus prometteurs. Ce cristal possède une bande de transmission optique très large allant de l’ultraviolet à l’infrarouge moyen, idéal pour faire des hublots ou dans les applications à base de lasers intenses. Grâce à des propriétés uniques comme la possibilité de fonctionner à des températures cryogéniques ou à plus de 1500 ºC alliée à une haute conductivité thermique et à une très grande résistance aux chocs et à l’abrasion, le saphir est un ingrédient clé dans des domaines stratégiques comme la défense, l’industrie des semi-conducteurs ou bien des expériences dans des conditions physiques extrêmes.

Mais la dureté du saphir est aussi un inconvénient lors de son polissage. Le polissage est une étape indispensable pour le développement d’optique de précision. Cette étape consiste à réduire les erreurs de hauteur à la surface en aplanissant les bosses micrométriques.

Un nouvel équipement sur le campus de la Doua

Les traitements de surface des grandes optiques sont déjà la spécialité du LMA (Laboratoire des Matériaux Avancés – CNRS Nucléaire et particule), en effet, le laboratoire est spécialisé dans le dépôt de couches minces haute-performances afin de rendre une pièce réfléchissante. En particulier, le laboratoire a traité tous les miroirs les plus critiques des détecteurs d’ondes gravitationnelles, ces miroirs étant alors qualifiés de meilleurs miroirs au monde.

Par contre aucune expertise n’existait pour l’étape précédant le traitement : le polissage. Afin d’accompagner l’essor des grandes optiques en saphir dont la croissance cristalline est réalisée par l’institut Lumière Matière (iLM, UCBL et CNRS Physique) également installé sur le campus de la Doua, il a été décidé de mettre en place une activité de polissage. Ces nouveaux développements peuvent s’appuyer sur les instruments de caractérisation de surface et des propriétés optiques déjà présents au LMA et adaptés aux grandes tailles.

Dans le cadre du CPER Recherche (Contrats de Plan Etat-Région) l’Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon (IP2I, UCBL et CNRS Nucléaire et Particules) a fait l’acquisition via un financement de l’Etat d’un robot de polissage avec 7 axes de travail pour des substrats allant jusqu’à 400 mm de diamètre. Cet équipement fut livré à l’automne 2024 à la suite d’une année de fabrication et 6 mois de tests chez le fabriquant Zeeko. Nous présentons ici les premiers résultats de polissage obtenus pendant le premier semestre 2025 sur des échantillons de saphir.

Une surface précise au niveau d’une dizaine de nanomètres !

Le procédé de polissage a été développé sur des substrats en saphir de diamètre 100 mm, mais la technique est facilement extrapolable pour des dimensions plus grandes. Partant d’un substrat découpé avec des erreurs de surface de 3 µm (3 millièmes de millimètre), après plusieurs étapes de polissage, la hauteur des erreurs de surface a été réduite par un facteur 200. Sur la pièce finale, les plus grandes bosses ont alors une hauteur de 15 nm au centre, soit la taille de 30 molécules de saphir superposées dans la maille du cristal.

« C’est un excellent résultat, et obtenu en seulement 6 mois. Ce type de qualité de surface permet déjà de répondre à 95 % des besoins en optique », s’enthousiasme Laurent Pinard directeur du LMA, « Cela est très prometteur, mais nous devons maintenant nous concentrer sur les petits défauts de surface et aussi sur le polissage du bord du substrat. »

Les prochaines étapes seront d’augmenter progressivement la taille des substrats à polir pour atteindre 300 mm de diamètre en 2027. Cette dimension sera par exemple compatible avec une future amélioration du détecteur japonais d’ondes gravitationnelles KAGRA. Le but à long terme est de pouvoir proposer les meilleurs grands miroirs en saphir produits intégralement à Lyon.

Bien que tous les développements se fassent actuellement sur le saphir, des tests sont prévus sur d’autres matériaux, en particulier sur le verre (silice), très utilisé dans les optiques pour le visible et le proche infrarouge.

Photographie de la machine de polissage pour les optiques de précision récemment installée dans les locaux de l’IP2I sur le campus de la Doua.

 

Photographie de la machine de polissage pour les optiques de précision récemment installée dans les locaux de l’IP2I sur le campus de la Doua.

Image de la hauteur de la surface avec une échelle monochrome, la même échelle est utilisée pour la figure avant polissage (à gauche) et celle après (à droite). La surface est affichée sur un diamètre de 90 mm. Avant polissage la surface a une forme sphérique, aprés polissage, la surface est plane.